Quelle est la place du free jazz dans les luttes menées contre le capitalisme et l’impérialisme anglo-saxon au lendemain de la Révolution tranquille ? En quoi l’improvisation collective en musique est-elle le moteur d’une révolte politico-culturelle, voire le vecteur d’une utopie collective ? Quel est le rôle des travailleur·euses culturel·les dans le militantisme politique du Québec des années 1960 et 1970 ?
Cette histoire du groupe Jazz libre retrace le parcours emprunté par un collectif d’improvisateurs engagés dans la recherche de nouvelles formes de communication et d’organisation : de leurs débuts à « L’Atelier de jazz » au centre-ville jusqu’à l’Amorce dans le Vieux-Montréal, en passant par l’Association espagnole, la Colonie artistique de Val-David et la commune socialiste « P’tit Québec libre ». La pratique musicale du groupe se veut rassembleuse, participative, démocratique et libératrice. Elle l’amène à participer aux expérimentations de Raôul Duguay et de Walter Boudreau dans l’Infonie, et celles de Robert Charlebois et de ses complices de l’Osstidcho. Elle est surtout une « musique-action », c’est-à-dire un outil de désaliénation avec lequel le Jazz libre invite les gens à communiquer ensemble pour ensuite prendre conscience de leur capacité d’agir et de se libérer – individuellement puis collectivement. Cette démarche lui permet d’établir des réseaux avec des membres de la revue Parti pris et du Front de libération du Québec ainsi que des militant·es étudiant·es et ouvrier·ères. Dès lors, sa destinée est fatalement liée à celle de la gauche indépendantiste ; une gauche bigarrée qui, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, fait face aux champs des possibles.