Préface de Christine Delphy
En 1994, un génocide d’une intensité inouïe fauche près d’un million de vies en cent jours au Rwanda. Le groupe minoritaire identifié comme Tutsi est la principale cible des massacres. Les femmes connaissent un sort particulier. Elles sont violées et tuées ou violées et réduites en esclavage sexuel par les soldats, les miliciens, les politiciens ou par de simples quidams.
En adoptant une perspective féministe, l’autrice expose les soubassements culturels, sociaux et politiques sur lesquels repose la systématisation du viol en temps de guerre et de génocide. Elle nous permet de comprendre comment des hommes et des femmes du Rwanda, minuscule territoire culturellement et linguistiquement homogène, ont pu en arriver à commettre des actes aussi monstrueux.
C’est le grand mérite de ce livre que de faire le lien entre le calvaire d’une femme – qu’elle soit tutsi, française ou québécoise – et toute la gamme des violences subit par la partie « femmes » de la population mondiale. Elles sont aussi bien psychologiques que physiques. Tout un continuum de violences leur enjoint de rester à une place subalterne, les oblige à un nombre incroyable de stratégies de protection et les fait vivre dans une peur diffuse, mais constante.
Au Rwanda, l’endoctrinement des foules a encouragé la stigmatisation de l’« Autre », les médias de la haine propageant la représentation des femmes tutsi comme des êtres dotés d’un charme maléfique et d’une sexualité dévorante au service de leur « race ». L’ennemie « femme » apparaît toujours différente de l’ennemi-tout-court.