L’histoire des luttes afro-américaines est mal connue. Quant à l’histoire de la gauche aux États-Unis, elle est tout simplement ignorée. C’est à ce double déficit que répond cet ouvrage en examinant les relations souvent conflictuelles entre les mouvements noirs de libération et la gauche.
De l’esclavage à la Guerre civile de 1861-1865, du mouvement pour les droits civiques et des Black Panthers à la contre-révolution sociale et « raciale » des trente dernières années, Black and Red dresse un panorama des luttes afro-américaines qui n’ont pas cessé depuis plus d’un siècle de secouer la société états-unienne. Non seulement Malcolm X, Martin Luther King Jr., Marcus Garvey, Stokely Carmichael, W. E. B. Du Bois y côtoient l’abolitionniste John Brown, les mineurs de l’Alabama, les travailleurs noirs de Détroit, mais aussi le FBI, le Ku Klux Klan, les milices patronales et toutes les forces qui ont tenté d’écraser les mouvements sociaux.
Ni les socialistes ni les communistes n’ont adopté un programme politique sans équivoque de libération des Noirs. Certains socialistes étaient même ouvertement racistes. Toutefois, il y a eu des exceptions. Ainsi, avec l’International Workers of the World (IWW) l’aile gauche du Parti socialiste a organisé la classe ouvrière sans égard à la couleur. Cependant, le mouvement ouvrier réformiste refusait d’intégrer la lutte de libération des Noirs dans son programme et ses activités, d’où la critique du révolutionnaire Léon Trotsky qui, dans ses riches discussions avec C. L. R. James, l’auteur des Jacobins noirs, juge que la libération des Noirs est une condition impérieuse à l’émancipation de la classe ouvrière.
Par l’évocation de l’abolitionnisme, des luttes contre l’esclavage, du séparatisme noir, du mouvement pour le retour en Afrique, des mobilisations ouvrières noires, ainsi que des liens entre ces mouvements et la gauche, le rédacteur en chef de la International Socialist Review, Ahmed Shawki, nous convie à une contre-histoire des États-Unis ainsi qu’à une prise en compte de la complexité de l’articulation de la « race » avec la classe sociale. Il offre un panorama des principaux courants politiques et idéologiques constitutifs des luttes de libération des Noirs et montre que, tant par le passé qu’à l’avenir, le socialisme fait partie intégrante de cette lutte, sans quoi les mouvements noirs (et ouvriers) restent prisonniers du Parti démocrate, coresponsable avec les républicains du racisme, l’un des fondements du capitalisme états-unien.
Coédition avec Syllepse (Paris).