En 1971, la grève des pressiers de La Presse a un impact considérable sur le mouvement syndical. À la suite de la répression d’une marche de protestation – où les policiers causent la mort d’une manifestante, Michèle Gauthier –, Louis Laberge, le président de la FTQ, prononce une phrase qui allait devenir célèbre : « Ce n’est pas des vitres qu’il faut casser, c’est le régime que nous voulons casser… » Un mois plus tard, à son congrès, la FTQ opère dans l’enthousiasme un tournant majeur et adopte un manifeste, L’État rouage de notre exploitation. Ce manifeste propose un changement radical de la stratégie syndicale, laquelle désormais doit viser à unifier les luttes et s’opposer à l’illusion et à la stérilité du syndicalisme tel que pratiqué jusqu’alors.
Le manifeste critique « l’État libéral bourgeois » et l’impérialisme : « Situé à sa vraie place, l’État apparaît comme rien de plus qu’un rouage de notre exploitation. […] Nous comprendrons vite que tout changement en profondeur est quasi impossible, quand on se conforme à toutes les règles du jeu définies par lui pour se maintenir en place. » Dans son discours intitulé Un seul front, Louis Laberge appelle à la mise sur pied d’« un front large et unifié de lutte à opposer aux forces de l’argent », un front qui permettrait de « casser le système actuel » et d’« instaurer chez nous un véritable pouvoir populaire ».
Il apparaît important et même prioritaire d’organiser « notre force politique », jusqu’à un parti politique des salariées si nécessaire, car il ne s’agit surtout pas de se débarrasser « l’emprise américaine et anglo-saxonne sur notre économie » pour la « remplacer par une bourgeoisie technocratique et capitaliste québécoise ».
Un manifeste toujours d’actualité.
Michel Arsenault, l’actuel président de la FTQ, signe l’avant-propos. André Leclerc, le rédacteur du manifeste, explique la généalogie de L’État rouage de notre exploitation et le contexte dans lequel s’inscrit son adoption.