« Aliénation », « Capital », « fétichisme », « valeur d’échange », « exploitation », « plus-value », « travail abstrait », « classe », « impérialisme », « socialisme », « communisme », « prolétariat »… Qui donc utilise encore ces concepts dont la seule évocation provoque un sourire plein de condescendance et de paternalisme ? Qui parlent encore ainsi, sinon quelques militantes, dont les tracts plus ou moins jaunis sont comme les fossiles idéologiques d’un autre monde ? À défaut de supprimer l’exploitation, nous l’avons rendue démocratique. À défaut de supprimer la domination, nous l’avons rendue élective. À défaut de supprimer ces maux, nous avons cessé de les nommer…
La démocratie bourgeoise domine désormais sans partage notre imaginaire. Elle est l’horizon infranchissable de nos attentes. Quiconque désire le dépassement de la société marchande est jugé « antidémocratique ». Notre époque a troqué le « Exigeons l’impossible ! » de Che Guevara pour la « Soif d’aujourd’hui » de Coca Cola. Notre « conscience malheureuse » s’est progressivement transformée en « fausse conscience heureuse ». La réalité capitaliste serait rationnelle, elle serait le seul système permettant de satisfaire nos besoins. Elle en a accepté les règles, et les grandes causes ont cédé la place aux dysfonctionnements temporaires et aux différents « excès » à contenir. Les gens les plus audacieux revendiquent une diminution des « écarts » entre les riches et les pauvres et une réduction de la « trop » grande pollution industrielle. Quiconque lève la tête hors de ces pointillés délimitant le « principe de réalité » défini par l’ordre est considéré comme un extrémiste.
« Fétichisme », « aliénation », « marxisme », « anarchisme », « marchandisation », « néolibéralisme », « romantisme révolutionnaire », « unidimensionnalité », « liberté »… Voilà quelques-uns des concepts que les auteurs de ce livre proposent de nous les réapproprier. Non dans l’objectif ambitieux d’élaborer une « nouvelle » théorie de la société, mais dans celui beaucoup plus modeste de nier les fausses vérités d’un cri toujours plus strident, et de mieux dénoncer le faux qui fait violence au vrai.